On a tous le droit de rêver | Elsworth, JBC.

FEAT. ISAAC WEBER

Elsworth ; Jephthah Beauregard Cherokee • Ce jeune homme aux yeux trop bleus exerce un métier qui certainement vous fera rêver. On ne peut imaginer plus poétique (voire romantique) que sa fonction de thanatopracteur, qui lui confère un charme inégalable avec la gente féminine... • Ne vous fiez pas à son minois constellé et son air ingénu, Jephthah a fêté ses vingt-sept ans il y a de cela quelques mois. Mais l’approche de la trentaine n'a pas l’air de l’émouvoir. • La pierre qu’il recherche est l’émeraude, en l’espoir d’aider les nombreux gamins qui sont ses seuls liens sociaux, que trop souvent il retrouve glacés dans une boîte. • Jephthah est un fabuleux chanteur, qui plus est capable de moduler sa voix selon ses envies. Les aigus et les graves ne lui font pas peur, pour le plaisir de ceux qui l’écoutent. Comment ne pas frémir quand il tonne une quelconque aria de sa voix trop puissante pour un simple humain ? Sa préférée reste celle du chérubin, de Mozart. • Comme beaucoup d’individus en cette ville, l’homme a eu une redoutable instruction musicale, comprenant chant, solfège et instruments. Faisant du clavecin depuis ses six ans (mais a arrêté à ses douze ans) et de la harpe depuis ses huit ans, l’instrument où il excelle le plus est encore la viole de gambe dont il a débuté le maniement à quatorze ans. • Sportif accompli, Jephthah a fait cinq ans de boxe et continue encore aujourd’hui la gymnastique, mais sa maladresse fait que souvent il se blesse. Il reste malgré tout très bon et plus jeune a participé à quelques championnats où toujours il se trouvait bien placé. Suite à une blessure à la nuque, il ne peut plus pratiquer ce sport que pour son loisir. Il aime aussi jouer au base-ball mais n’y est pas très bon. • Pendant toute son enfance, son grand-père l’a martyrisé en le forçant à apprendre à calculer de tête, à coudre, faire la cuisine, réparer des problèmes mineurs d’électricité ou de plomberie (ou comment réparer une chasse d’eau avec un chewing-gum) et à dessiner. Certes il dessine toujours comme un pied, mais est devenu un homme de maison parfait. Il fait même le ménage et la lessive sans rechigner ! • Atteint d’hyperacousie, Jephthah a tendance à rechercher le silence absolu qui souvent ne se trouve que dans la solitude extrême. Il est capable d’endurer le bruit mais se trouve souvent pris de nausées et de vertiges si le bruit est trop important et en arrive parfois même à la perte de connaissance. Il continue malgré tout à aimer jouer d’instruments et chanter. • Possédant une imagination redoutable, notre grand et fort brun n’aime pas se retrouver seul dans le noir et redoute les soirs où il rentre dans son appartement solitaire, son hyperacousie captant les moindres bruits et son mental les transformant en la pire des choses. Il lui arrive souvent à passer des nuits entières, toutes les lumières de son appartement allumées à sangloter en un coin, un couteau dans la main... • De son temps libre, Jephthah est bénévole auprès d’enfants malades. Il n’est donc pas rare de le voir dans les couloirs d’hôpitaux, sa harpe ou sa viole sur le dos afin de les distraire. Il aime aussi accueillir des enfants défavorisés pendant les vacances et aime les emmener avec lui à la campagne où à la mer.

Citation :

Son grand-père lui redressa les épaules et plaça correctement les mains de l’enfant, qui se forçait à garder visage impassible sous les torsions imposées à son corps. La musique résonnait, légère mais agressive aux tympans de Jephthah qui comme s’il était le reflet de son ancêtre mimait chacun de ses gestes, décrivant les pas simples d’une valse. Menton haut et bras entourant une cavalière invisible, il se concentrait du mieux qu’il pouvait, mais cela n’empêchait pas les réprimandes de pleuvoir. Mais il ne bronchait pas et même, y prenait plaisir. Il était le descendant de la noble lignée d’Elswoth, et pas besoin de particule pour le faire savoir. Il suffisait d’observer ses souliers sans poussière, ses manières agréables. Impeccable du matin jusqu’au suivant, sous la pression d’une éducation que certains jugeraient obsolète. Mais lui ne savait comment étaient éduqués les autres enfants. Il savait déjà plein de choses, mais aussi en ignorait beaucoup d’autres. C’était une maison sans bruit dans laquelle il habitait, avec un grand-père luthier et une grand-mère décédée. Et des parents inconnus, des baroudeurs de terre d’Afrique qui ne pouvaient l’emmener à ses côtés. Parce qu’il était trop fragile. Malformation de naissance. Hyperacousie. La religion de ses parents empêchaient toute intervention chirurgicale, Jephthah était donc voué à vivre ainsi toute sa vie. Mais qu’importe, il était si bien ainsi. Dans son petit cocon. Avec un grand-père qui lui donnait tout. Pas même besoin d’aller à l’école, ou il y avait trop de cris, trop de bousculades. Dans son petit cocon rythmé de musique et d’ordres. Son dehors était le grand parc où couraient les chats et le paon à qui il avait déjà arraché trop de plumes. Sa vision de la vie n’était qu’aux travers des vitres teintées de l’Aston Martin qui plusieurs fois dans la semaine le conduisait à ses activités sportives ou à l’école de musique. Il n’était pas très aimé, parce qu’on le voyait comme un enfant trop gâté. Alors qu’aucun autre n’avait autant d’obligation que lui en possédait. Il avait la richesse, mais aussi l’honneur d’une famille. On ne l’aimait pas non plus parce qu’il était doué, alors qu’il travaillait d’arrache-pied. Ses loisirs étaient les répétitions de partitions, les longues courses sur les routes peu fréquentées. Il se couchait harassé, se réveillait fatigué, mais jamais ne se plaignait. Il attendait certes la grasse-matinée du dimanche avec envie, mais jamais n’aurait osé le dire. Jephthah savait qu’il y avait pire sort que le sien. Lui était nourri, logé, éduqué. Et aimé.

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Il entra dans la chambre d’hôpital de son grand-père, vêtu d’un somptueux costume noir illuminé d’une cravate suivant la couleur de son regard. Il fit un tour sur lui-même, un grand sourire sur ses lèvres. L’homme alité émit un petit rire de satisfaction qui se tût rapidement. Jephthah était si beau. Et l’est toujours. Grand avec une jolie musculature, son visage constellé apportait un charme enfantin qui déjà était trop présent par ses grands yeux d’un bleu soutenu. Il n’avait vu homme plus beau, pas même dans les magasine de modes que feuilletait sa femme en sa lointaine jeunesse. Il y avait une souplesse dans ses gestes empruntés qui le rendait irrésistible.

JEPHTHAH – « C’est le costume que je porterai lors de ton enterrement. »

Levant son pouce, son grand-père lui signifia que c’était un excellent choix. L’enfant devenu adulte ne s’encombrait pas de pincettes et contrairement au reste de la famille, disait tout haut ce qu’il en était vraiment. Il allait mourir. Jephthah n’avait peur que de sa propre mort, pas de celle d’autrui et son aïeul ne pouvait lui reprocher cela. Jamais il ne lui avait apprit que la mort est quelque chose de triste. Mais plutôt une joie, une délivrance. Hors, lui avait si peur à présent que son heure était proche. Mais il savait que son corps serait bien traité, entre les mains de son petit-fils. C’est pour cela qu’il ‘lavait fait venir. Pour lui demander comme faveur que ce soit lui qui l’embaume. Pas de doute à avoir qu’il accepterait. Son corps ou celui d’autrui, le brun ne ferait pas de différence. Si attachant et détaché… Jephthah s’assit au chevet de l’homme racorni, qui lui tira le nez, caressa son menton si bien rasé qu’il semblait encore imberbe et lui fit sa demande. L’enfant ne refusa point et, professionnel, questionna son grand-père sur la tenue qu’il voudrait porter, les fleurs, la couleur du linceul. Il lui spécifia même qu’il le ferait quand même payer, même s’il est un de ses proches. C’était un homme bon et droit, fort et sincère. Le presque mort se félicita d’avoir réussi une telle éducation, tout en priant que le temps lui apprendrait un peu plus de douceur en société. Puis Jephthah lui chanta l’aria du Chérubin, et s’excusa de ne pouvoir rester trop longtemps, sa pause déjeuner se finissait. Il lui dit au revoir et sans un regard de trop s’en alla. Qu’il avait grandi, en si peu d’années… Mais il n’avait pas changé.

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Bridget caressait les cheveux de Jephthah, qu’il avait posé sur ses genoux de petite fille. Il les avait lavé dans la salle de bain de la petite chambre d’hôpital, parce qu’il savait qu’elle aimait y passer ses doigts mais n’aimait pas quand ils étaient tout collants de gomina… Elle trouvait que son eau de cologne sentait drôlement bon, mais qu’il devrait se laver les oreilles. Lui ne broncha même pas, yeux clos, se contentant d’écouter les histoires que lui contait sa meilleure amie. Celle à qui il avait promit de se marier, quand elle aurait l’âge légal pour cela. Elle n’y croyait pas trop, mais trouvait que le rôle du chevalier servant lui allait à merveille, alors elle le laissait la prendre pour sa dame. Il lui avait d’ailleurs acheté une magnifique robe en liberty, qu’aujourd’hui elle portait. Mais ce n’était pas son seul cadeau. Il y avait aussi ce serre-tête avec un nœud à l’époque où elle avait encore des cheveux, ou ce lait hydratant à la rose et des chaussures à talons carrés, qu’elle ne mettrait certainement jamais. Et plein d’autres. Elle ne lui offrait rien, à part quelques moments de détente. Elle n’avait aucun remord, parce qu’elle savait très bien que ses dessins l’encombreraient et qu’il aimait juste qu’el0el lui raconte quelques histoires ou ragots. Aujourd’hui, elle avait décidé de lui parler des pierres. Des pierres aux pouvoirs magiques. A ce simple mot, elle le sentit remuer. Il se redressa, et reposa sa tête sur ses cuisses frêles, son regard cette fois la fixant. Quel grand enfant. Elle n’y croyait qu’à moitié, à cette histoire. Mais les infirmières ne cessaient d’en parler, disant qu’avec ces gemmes, on pouvait faire des miracles. Lui goba cette histoire toute ronde, sans se poser d’histoire, tant il était naïf. Ou alors, il jouait l’idiot avec grand art. Elle lui parla surtout de l’émeraude, parce que c’était celle dont on parlait le plus. On disait qu’on pouvait soigner les gens avec… Le regard du jeune homme pétilla. Cela la fit rire, et elle lui confia qu’elle n’y croyait pas. Certainement n’étais-ce que des balivernes. Il se redressa, soudain le rouge aux joues. Il la trouvera, cette émeraude ! Pour elle, pour tous. Pour ses protégés. Bridget n’eut pour réponse qu’un sourire adorable et ses yeux s’humidifièrent. Ah, si seulement c’était possible. Mais elle savait qu’il n’aurait jamais la force suffisante pour l’arracher à un gardien. Si du moins, cette pierre existait… elle lui fit remarquer qu’il allait être en retard à l’école de musique où il devait se rendre, pour un concert. Et que la demoiselle Dale dont il lui parlait de temps à autre certainement ne serait pas contente qu’il arrive en retard ! Il mordit le bout de ses doigts et prit un air catastrophé. Sa vieille amie (qui ne l’appréciait pas tant que cela mais personne n’osait le lui faire remarquer) risquait de lui faire quelques remontrances, encore une fois ! Il embrassa Bridget sur le front, les joues, les tempes, le menton, l’épaule, sur le coin des lèvres, encore sur les joues et le front puis s’en alla, très très vite en lui souhaitant bonne chance pour son opération.

Elle décéda sur la table d’opération. Et il pleura beaucoup, beaucoup. Beaucoup.

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Mais malgré tous ces cadavres, sa vie ne changea pas. A part qu’il se renferma un peu plus, quittant un peu moins son bureau. L’endroit où il se sentait si bien. Pas de collègues trop prenants, une tranquillité qu’il faut dans un lieu de recueillement, une assistante muette. Il n’aurait pas imaginé plus reposant. Une routine qui chaque jour changeait un peu. Un autre corps, une autre famille, d’autres besoins. Des morts naturelles, des suicides dramatiques, des accidents chaotiques. Des défis à relever, comme cet individu qui eut la tête écrasée. Des moments inconvenants, comme ce corps de petite fille. Mais Jephthah n’avait pas à se plaindre. Il avait choisi le recueillement jusqu’à ce que ce soit à son tour. Et ici au moins, qu’il était apprécié ! Reconnu comme excellent, on lui confiait les tâches les plus dures. Minutieux, il suivait un mort de son entrée à sa mise en terre. Mais le social et les papiers n’avaient jamais étés son fort, aussi avait-il décidé d’embaucher une aide, payée par lui-même. Il y eut très peu de gens qui se présentèrent, un métier si peu gai… Mais il y eut elle. Celle qu’il appelle avec de grands signes et le regard suppliant, dont il parle avec déférence comme si déjà elle était adulte. « Mademoiselle ». Choisie non pas pour ses capacités, mais pour son mutisme. Celle qui s’occupe des factures, de lui rappeler les rendez-vous, de faire quelques sourires quand lui se contente d’être un bloc de glace, qui va lui chercher un café quand il pique du nez. Sa dévouée assistante, pour quelques billets, bons repas et cours de harpe. Le début d’une vie sociale ? Ou la fin d’un début de sociabilisation.

Il est ce genre d’individu qu’on ne peut qu’haïr. Parce qu’il semble parfait. Ses vêtements semblent être faits pour mettre en avant ses courbes sans jamais oser une faute de goût. Son poignet porte si bien les grosses montres, ses chaussettes ne sont jamais trouées. De quoi rendre vert tous les minets et faire pâlir d’envie toutes les demoiselles, que ce soit pour son minois constellé de rousseur ou pour ses boutons de manchettes en diamants –que lui a gentiment conseillé mademoiselle Stylhard. Il semble être noble distant du monde qui l’entour, et ce n’est pas faux. Jephthah n’a jamais connu le besoin et ne sait pas à quel point la pauvreté est insupportable. Pour lui, n’existe que son appartement, son bureau et les enfants. Les enfants. Le joli brun ne se sent bien qu’en leur présence. Non pas qu’ils le jugent moins, c’est même le contraire. Les enfants sont si cruels, vous savez. Ils ne sont pas purs comme des anges, ni odieux comme des démons. Surtout quand ils savent qu’ils vont bientôt mourir. Cela les rend si adulte. Si Jephthah est un adulte candide, eux sont des enfants matures. Il leur confie ses secrets, ses doutes. Et eux font de même. Il leur dit qu’il a très peur du noir, une peur atroce. Eux lui disent qu’il est un peu grand pour croire au monstre dans le placard. Et le voyant bafouiller, rougir, ils prennent sa grande tête dans leurs petits bras pour le rassurer. Eux n’ont plus peur du noir. Ils sont obligés de vivre avec. Alors que les adultes se comportent si faussement avec Jephthah… ils préfèrent cracher dans son dos et lui adressent un grand sourire quand il se retourne. Les hommes lui trouvent un air prétentieux et vaniteux, les femmes le jugent hautain et froid. Oui, il passe du temps à sa tenue et aime être le meilleur. Oui, il préfère fuir le sexe opposé que de répondre à ses avances. Parce qu’elles ne comprennent pas que lui attend la princesse, celle qui sera intéressée par autre chose que ce qui se cache dans son porte-monnaie ou dans son pantalon. Toujours restera gravé dans sa mémoire cette phrase. Celle sortie d’entre des lèvres féminines, qu’il venait d’embrasser… « Tu m’offriras des diamants, hein ? » cela lui avait brisé le cœur.

Lui cherche celle qui ne lui demandera rien, qui préfèrera attendre ses cadeaux que de les demander. Celle qui sera juste heureuse qu’il soit là et qui l’aimera, même si un jour sa richesse et ses cheveux s’envolent, qu’il perd un œil et finit en chaise roulante. Mais c’est un rêve impossible, c’est une utopie. On change avec le temps et les passions s’érodent. Mais qui même quand ils ne s’aimeront plus, gardera la tendresse de leur passé. Mais c’est impossible. Combien de désillusions a-t-il subi ? Jephthah, bien que très discret sur ses relations amoureuses, en a subit de nombreuses. Et c’est toujours lui qui partait le premier, ce qui lui créa une réputation de salaud. « Beau comme un salaud. Il cache bien son jeu… » On le croit emprunté, fat, aux mœurs légères, égoïste, insensible. Alors qu’il est juste perdu sur sa propre planète. Il est très sensible, Jephthah. Même s’il ne le montre pas, toujours caché derrière son masque fabriqué. Un masque qui colle à sa réputation, étudié pour qu’on ne l’approche pas de trop près. Mais cela ne fonctionne pas. Il pleure comme un enfant, mais ne boude jamais comme ces derniers. Bouder, se mettre en colère, c’est faire du mal aux autres. A soi-même. Quand il blesse c’est qu’il n’a pas le choix, qu’il a étudié toutes les autres solutions possibles. Et quand elles le traitent de salaud, de sans-cœur, d’ordure, de pourriture, de monstre... Certes il reste de marbre face à elle, mais quel déluge est-ce quand il se retrouve par la suite seul ! Il en souffrait comme si c’était lui qu’on jetait. L’amour ne le transporte pas, il l’enfonce. Mais qui le sait ? On ne voit de lui que son masque, et parfois ses grimaces quand il se croit non-observé. Ces moments d’abandon total, ou on le trouve si charmant qu’on en oublie les rumeurs qui le poursuivent, juste pour le plaisir de l’observer, en se disant qu’il est si adorable. Comme un enfant.