We pushed upon the stairs.. [Ewen]

Feat; Ewen Dale; Cassie Spungen;
Saule pleureur
3:20PM

Installée confortablement sous le saule pleureur, Cassie écoutait de la musique, ses longs cheveux auburns se soulevant de temps à autres comme des tentacules. La forêt était silencieuse, et elle avait trouvé le saule pleureur central de la forêt, chose dont elle était assez fière. Le ciel était dégagé, l'air agréable, et les rayons du soleil caressaient doucement sa peau.

Elle ferma les yeux un instant, se remémora sa courte journée. Elle n'avait eu cours que le matin. Sans vraiment s'en rendre compte, un sourire s'installa sur ses lèvres. Cassie eut la vague impression de plâner, son coeur battant au rythme de la musique qu'elle écoutait.

C'était une mélodie douce, calme, joyeuse, sans une once de tristesse. Résumant sa situation actuelle. Cassie avait pour habitude de tout positiver, et elle voyait la vie ainsi. Elle rouvrit les yeux, reposant son regard sur le ciel. Carrie la regardait-elle du ciel ? Cela faisait un moment que sa soeur était morte, et l'idée lui paraissait toujours absurde. Elle avait l'impression que d'une minute à l'autre, Carrie réapparaitrait en souriant, comme elle le faisait si souvent.

Ses pensées dérivèrent alors sur l'émeraude. Elle ne voulut pas y penser et tenta de se changer les idées, mais cela lui semblait impossible. Si Cassie détenait l'émeraude, sa soeur pourrait revenir... Et rien qu'à l'idée de l'avoir à nouveau à ses côtés, son coeur se serrait.

Ewen avait besoin d'inspiration. Sa patronne lui avait demandé de croqué quelques tenues pour la nouvelle collection de l'été. Il fallait quelque chose de "léger, doux et romantique"... C'était bien joli ça, mais ce n'était pas le genre de domaines qu'Ewen avait l'habitude d'explorer. Pour elle, cela s'apparentait à un monde mielleux, bourré de guimauves et dénué de choses intéressantes. Mais, bon, inutile d'expliquer cela à sa patronne, en tout cas pas au risque de se faire virer illico presto.

Bon, première chose à faire : se mettre dans l'ambiance. Un endroit doux, tranquille et romantique. L'idée surgit dans l'esprit de la jeune femme comme par magie. Le saule pleureur... Oui, cela l'inspirerait à coup sûr. Ewen se dirigea donc vers l'endroit choisi, son carnet de croquis à la main, son stylo dans l'autre, réfléchissant déjà à la forme et à la matière d'une ravissante petite robe, écoeurante à souhait.

La chance était du côté d'Ewen, car la muse qui inspirerait son œuvre se trouvait précisément à l'endroit où elle comptait se rendre. Elle reconnut avec plaisir et agacement la silhouette fine et délicate de Cassie. "Légère, douce et romantique". Voilà qui collait à la peau de Cassie. Un sourire surgit aux lèvres d'Ewen et elle s'apprêta à aborder sa jeune amie, une des seules personnes au monde à ne juger personne. Une des seules personnes au monde qu'Ewen respectait et admirait. La jeune styliste lui trouva l'air triste, mais elle s'adressa tout de même assez joyeusement à elle, se penchant pour s'asseoir à côté d'elle.

"Hey, Cassie, ça va ?"

Les yeux de Cassie restèrent posé sur le ciel un long moment. Comme si elle était envoûtée par ce bleu si clair, qui semblait plus sincère que n’importe quel arbre de la forêt au milieu de laquelle elle se trouvait. Ses pensées lui semblaient absurdes. Et un violent flashback la saisit. Elle revit sa sœur, allongée sur un lit d’hôpital, le corps inerte. Et elle se revit debout, face à elle, incapable de pleurer tant le choc était fort. Son sourire s’évapora. Elle eut l’impression de revivre la scène.

Elle entendit toutes les voix des médecins s’entremêler et lui annoncer qu’ils étaient désolés, qu’ils avaient tout tenté. Cassie aurait aimé les croire, mais elle avait tellement de mal à s’accrocher à quoi que ce soit. Une douce voix la sortit de son atroce délire. Elle sursauta à l’entente du salut amical d’Ewen.

Rapidement, elle passa une main dans ces cheveux, comme pour évacuer les mauvaises pensées qui la tiraillaient. Elle lui sourit alors de toutes ses dents et observa la jeune fille. Elle eut l’impression de n’avoir vu personne durant une éternité.

« Ewen ! Bonjour ! Je vais très bien, et toi ? »

Elle ne trouve rien d’autre à dire. Et en quelques secondes, sa sœur ne hanta plus ses pensées. Elle tendit à son amie une brique de jus d’orange cachée dans son sac et le lui tendit.

« Je viens de l’acheter, tu en veux ? Il parait que ça nourrit énormément le cerveau, c’est le vendeur qui me l’a dit ! Elles étaient un peu cher, mais vu les vertus qu’il lui prêtait, je me suis dit que j’allais en acheter… ça va peut-être te donner de l’inspiration ! »

Elle laissa échapper un petit rire, sans même se douter qu’une fois de plus, elle s’était faite avoir.

Ewen regarda la brique, puis Cassie, puis la brique, et puis encore Cassie. La brique était ce qu'il y avait de plus banal, ni plus ni moins qu'un jus d'orange dont la seule vertu devait être celle d'être composée de quelques vitamines C. La sarcastique Ewen réfléchit un moment, se demandant si elle devait une fois de plus contrarier la naïveté de Cassie, ou si elle devait laisser courir pour une fois. Elle se décida pour la deuxième proposition et refusa la brique avec un sourire :

"Si ça ne te dérange pas, je préfèrerais que tu la boives, bien que j'aurais bien besoin de nourrir mon cerveau. Te regarder me suffira pour trouver l'inspiration. J'aimerai m'inspirer de toi pour cette robe ça ne te dérange pas ?"

Ewen sourit gentiment à Cassie. Elle savait que la jeune femme ne dirait pas non, même si elle était sans doute un peu gênée par une offre aussi directe, qui de plus la mettait au centre des attentions. Mais Ewen avait vraiment besoin de Cassie comme modèle, c'était la seule personne qui pouvait l'aider. Elle se plaça en face d'elle, et rien qu'avec l'observation des courbes de son visage elle commençait déjà à tracer quelques drapés sur la silhouette qu'elle avait griffonnée. Elle leva les yeux de sa feuille pour regarder Cassie et lui dire :

"Si tu veux parler de quelque chose, quoique ce soit, vas-y, ça m'aiderait plus qu'autre chose. Cette robe serait exactement ce que je recherche si je pouvais m'inspirer de ton aspect comme de ton caractère... Si ça ne te dérange pas bien sûr ? Mais tu peux aussi rester sans parler, comme tu veux..."

Elle sentait qu'elle allait réussir à faire quelque chose de somptueux. Déjà, rien que de parler à Cassie, une robe vaporeuse aux contours flous et moelleux prenait forme dans son esprit et sur sa feuille. Il suffirait que Cassie lui parle un peu d'elle, qu'elle s'imprègne de la manière d'être de la jeune femme pour que la robe soit définitivement parfaite.

Cassie continua à sourire inlassablement à Ewen en espérant qu’elle accepte la brique. Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne répondait pas directement, mais elle s’en fichait. Tant qu’elle pouvait rendre service, Cassie était comblée. Mais Ewen refusa poliment. Elle lui proposa même de s’inspirer de la brune pour sa robe. Cassie rougit à cette entente.

« Une robe… à mon image ? »

Elle ressentit une admiration incroyable pour Ewen. Cassie n’était pas vraiment capable de faire preuve d’imagination, et n’aurait jamais osé faire une chose pareille, de peur de se tromper. Mais Ewen était beaucoup plus sûre d’elle qu’elle ne l’était. Elle ressentit immédiatement une hâte incroyable. Elle voulait voir ce que ça donnerait.

Alors qu’Ewen traçait quelques traits de crayons tout en discutant, Cassie chercha de quoi parler. Elle n’arrivait pas à se décrire elle-même, alors elle pensa que discuter avec son amie l’aiderait.

« Je ne veux pas de pierre. »

C’était presque un mensonge. Cassie aurait aimé ressusciter Carrie avec l’émeraude, mais elle s’était dit que d’autres en avait sans doute plus besoin qu’elle. Et elle s’auto-rassurait en pensant que Carrie était peut-être bien là où elle était.

« Mais à mes yeux, celle qui possède le plus beau pouvoir, c’est l’émeraude. »

Elle sourit à Ewen avec innocence. Cassie ne savait pas ce que cherchait Ewen. Elle ignorait même si elle cherchait quelque chose. En réalité, elle ne savait pas grand-chose d’elle. Juste un prénom et un visage. Elle aurait aimé bien la connaître, et pouvoir l’aider au maximum en cas de problèmes.

« Et toi, qu’en penses-tu ? »

Cassie éprouva de la curiosité. Qui était Ewen ? Comment avait été son enfance ? Pourquoi aimait-elle tant créer des vêtements ? Il lui paraissait étrange, d’apprécier autant une parfaite inconnue.

Ewen eut un léger mouvement de surprise mais ne leva pas la tête. Pourquoi Cassie lui parlait-elle des pierres ? Sans doute parce que c'était la première chose qui traversaient l'esprit des Stonefieldiens en ce moment. Que miss Spungen n'en veuille aucune, cela surprenait moins Ewen. Après tout, même si la jeune styliste se doutait que son amie n'avait pas eu une vie toujours rose et toujours facile (qui en a jamais eu une de ce genre ?), elle semblait pourtant épanouie et heureuse, et paraissait trop peu égoïste pour souhaiter posséder une pierre. Cependant, lorsque Cassie mentionna l'émeraude, Ewen s'arrêta de dessiner et regarda la jeune fille dans les yeux. Elle était l'image même de l'innocence, et Ewen se détendit à nouveau. Elle ne cachait pas forcément son désir de trouver cette pierre, mais elle ne tenait pas non plus à l'afficher et n'en parlait que si elle y était contrainte.

Quand Cassie l'interrogea, Ewen, les jambes toujours croisées, les ramena contre son corps, emmenant avec elles ses croquis et son crayon. Elle leva les yeux et caressa du regard un ou deux nuages avant de répondre d'une voix rêveuse et absente et de plonger son regard dans celui de Cassie :

"Je pense que toutes les pierres ont un magnifique pouvoir, mais qu'elles sont toutes très dangereuses... L'émeraude... L'émeraude semble merveilleuse, mais elle peut redonner la vie autant que la reprendre. Elle peut guérir, cela est sans doute son plus beau pouvoir. Mais je crois par dessus tout que rechercher une pierre est le comble de l'égoïsme..."

Elle hésita une seconde. Puis elle se décida, après tout, Cassie était la naïveté, l'innocence et la franchise même, Ewen ne pouvait pas la craindre. Elle reprit donc son croquis et abaissa ses jambes avant de recommencer à dessiner et dire :

"Je parle en connaissance de cause. Je dois être bien hypocrite pour oser dire tout ça. Enfin bon, personne n'est parfait, au contact de ces pierres, c'est d'autant plus évident, tu ne crois pas ?"