Et si... [ Ewen Dale ]

Depuis plusieurs jour, la ville assistait à de violent orages d'été. Bons ou mauvais présages concernant cette guerre divisant la population dans leur quête pour s'approprier les pierres ? Je n'étais pas du genre à croire en ces inepties. Si de telles balivernes avaient un jour encombré mon esprit par leur futilité, il était probable que je ne posséderais plus mon diamant aujourd'hui.

Par chance, ou peut-être pas, en ce début de matinée, la météo s'était apaisée. Le vent chassait de son souffle les nuages, et le soleil caressait enfin de la chaleur de ses rayons, la terre. J'allais enfin pouvoir mettre le nez dehors. Une semaine... Cela faisait une semaine que je n'avais plus quitté mon appartement tant le temps avait été mauvais.

Vêtu de son costume marron, de sa chemise ocre et, comme toujours, les cheveux lâchés, je quittait mon lieu de repli, décidé à m'accorder quelques instants pour m'éclaircir les idée. Pour une trêve en quelque sorte, malgré que jamais je ne quittais réellement le qui-vive.

Fin stratège, paranoïaque, ce ne fut qu'après de multiples détour que je me rendis enfin à la destination que je ne m'étais pas encore fixé. Avalant les rues rapidement, déambulant en observant les âmes que je croisais, le temps continua sa course folle alors que déjà je m’en étais retourné à mes pensées. Lorsque je m'égarais dans mes reflexions silencieuses, je perdais toute notion de temporalité.

Finalement, ce fut en passant devant un stand de hot-dog – tiré de mes pensées par l'odeur - que je réalisais l'endroit où je me trouvais. Aussi, le plus naturellement du monde, je me mêlais à la foule – chose particulièrement rare – qui se pressait déjà autour du marchand. Hommes, femmes et enfants autour déjà criaient presque, infligeant une cacophonie difficilement supportable pour mes oreilles, privilégiant d'ordinaire le calme. Les corps pressés les uns contre les autres m'étaient détestables. Je n’avais jamais apprécié le contacte physique si je ne le provoquais pas moi-même. Aussi, m’imposer cette “violence”m'était particulièrement pénible, si bien que je préférais renoncer et attendre à l’écart que la cohue s’essouffle et se dissipe d’elle-même.

Le temps continua sa course folle alors que déjà je m’en étais retourné à ses pensées. Combien de temps c’était-il écoulé ? Je n’en avais pas la moindre idée. Lorsque je s’égarais dans mes réflexions silencieuses, cela pouvait durer des heures, voire des jour, ou bien une seconde seulement. Ce fut le silence retrouvé qui me fit quitter mes pensées. La foule s’était dispersée à présent. Sur les bancs, déjà certains dévoraient leur pitance avidement. Soulagé par cette “solitude” fraîchement retrouvée, je pris le parti de me procurer cette fois ce dont j'avais besoin pour me sustenter. La commande passée par quelques mots brefs et clairs – toujours aussi avare de paroles – j'observais silencieux les conditions de préparation. L’hygiène faisait cruellement défaut et c’était loin d’être à mon goût. Dans mon appartement, le désordre régnait en maître, mais l'hygiène aussi, malgré les apparence. J'étais à cheval sur certains détails qui pourtant pouvaient sembler dérisoires. Je m’abstins de tout commentaire néanmoins, recevant le hot-dog sans moutarde ni mayonnaise et payais au vendeur la somme qui lui était due.

Non loin de là, se trouvait un parc, ce fut là-bas, au pied d’un arbre, assis sur une racine après en avoir évalué la propreté ou nous une bonne minute durant, que je pris place. Une autre minute s’écoula pendant que j'examinais la pitance que je tenais entre les doigts. Finalement, résigné, je me laissais surprendre par le goût que je craignait fétide mais qui, en réalité, était tout à fait convenable.

Sustenté, je choisis de rester sur place pour observer la vie s’écouler alors que je m'en trouvait en marge. Cela n’avait rien de mélancolique, mais dans l’observation naîtrait peut-être l’idée de plus...

Ewen avait toujours adoré la pluie, l'odeur qu'elle diffusait, le bruit feutré ou cinglant qu'elle produisait, aussi, ces quelques jours d'orage ne lui avait pas déplu. Elle avait beaucoup aimé se poster devant sa fenêtre pour voir des éclairs zébrer le ciel et des coups de tonnerre résonner dans les airs. Mais l'inconvénient de la pluie aussi forte que celle qui était tombée ces jours-ci, c'est qu'il état difficile de rester très longtemps dehors sans mourir de froid ou choper un mauvais rhume, or, après un si long moment à avoir passé son temps confinée soit au boulot soit dans son appartement, Ewen éprouvait l'irrésistible besoin de sortir. Ce qu'elle fit d'ailleurs.

Visiblement elle n'était pas la seule à avoir eu cette bonne idée car elle eut la vague impression que tout Stonefield s'était donné rendez-vous dehors, ce qu'il n'était pas pour lui plaire. Au moins dans une foule pouvait elle espérer passer inaperçue... Elle décida de baisser consciencieusement les yeux, et cacha un peu plus son visage grâce au rideau que formait ses fins cheveux. Elle croisa malgré elle les regards méprisants ou admiratifs de ses pairs et se fit bousculer une ou deux fois. Ewen cherchait désespérément un endroit où il n'y aura pas foule. Elle se décida pour les bords du lac de Stonefield.

Malheureusement, il y avait toujours un peu de monde, mais cela restait supportable. L'herbe était un peu humide mais Ewen décida tout de même de s'asseoir à même le sol, et repéra un arbre en-dessous duquel la mousse humide semblait moelleuse, et alla se nicher dessous, installée en tailleur. Une fois assise là, elle se rendit compte qu'elle n'avait rien à faire. Strictement rien. D'habitude, Ewen trouvait toujours de quoi s'occuper, du moment qu'elle avait de la matière pour se distraire, comme une feuille de papier, etc.

Elle leva les yeux vers le ciel et se tordit les mains, cherchant une occupation. Elle n'était pas vraiment du genre à s'amuser en regardant la forme des nuages, aussi elle baissa à nouveau son regard sur ses mains en soupirant. Elle était incroyablement tentée de rentrer chez elle, lorsqu'elle leva les yeux et qu'elle aperçut au loin une silhouette un peu trop familière. Elle n'eut que peu de mal à reconnaître Liam Lust qui lui aussi flânait. Il n'était pas très loin de son arbre, mais elle prit le risque de le regarder quelques minutes, tout simplement parce qu'elle ne pouvait pas s'en empêcher. Mais quand il tourna les yeux vers elle, elle baissa encore le regard, se demandant vaguement s'il allait l'aborder comme la première fois qu'ils s'étaient vus. A ce souvenir elle ne put s'empêcher de le regarder à nouveau et constata qu'il la regardait toujours.

Spoiler:

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» Je vis dans un monde qui n'existe pas. (Ewen Dale)
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